*Le Robinson Suisse

Ce classique de la littérature enfantine d’abord raconté par épisode par Johann David Wyss (1743-1818) un pasteur du pays bernois à ses enfants fut sur la base d'un manuscrit resté inachevé à sa mort remanié par son fils Johann Rudolf (1781-1830) professeur de philosophie à Berne, en vue de sa publication à Zurich en 1812.
Dés 1814 la première traduction en anglais, probablement de William Godwin, est éditée par son épouse, M. J. Godwin : elle est présentée comme traduite l'Allemand de « M. Wiss », on y trouve pourtant quelques-uns des ajouts de Mme de Montolieu, qui l’avait elle-même traduite en français l’année précédente. La version de Godwin a été révisée dans une version plus longue en 1816.

Les versions successivement abondent…et c’est une des particularités du Robinson suisse que d’avoir, au cours des versions successives tantôt été raccourcies, tantôt ralongées, d’avoir subi des transformations très au-delà et loin des interprétations personnelles somme toute inéluctables des différents traducteurs et adaptateurs : ainsi des personnages ont été introduits, de nouvelles aventures furent attribuées aux personnages.
L’exemple le plus évident apparaît avec la profession du père de famille : de pasteur luthérien à l’origine, il devint simple bon chrétien, puis catholique fervent ; à l’origine moralisateur rousseauïste, il fut présenté un siècle après comme enseignant autodidacte ; jusqu’à son nom qui, d’Arnold se transforma, non sans malice, en Starck…(fort en allemand)
Les adaptations fantaisistes comme les traductions souvent approximatives ont suivi l’évolution des mœurs : certaines libertés prises avec le texte original apparaissent aujourd’hui surprenantes : la version du film de Disney, par exemple, contient des confrontations avec les pirates entièrement absents de l'original. Quelques versions parlent d’une jeune fille naufragée et qui recueillie devient « la sœur » que les garçons n’avaient pas! Des versions abrégées -expurgées voire stérilisées- sacrifient ainsi une grande partie du charme de l'original alors que des versions plus longues qui utilisent un vocabulaire moderne dans une langue contemporaine, sont éloquentes, descriptives et captivantes.

* une édition électronique fort bien réalisée d'après une traduction de Frédéric Muller est depuis peu disponible sur Internet sur le site : http://www.ebooksgratuits.com/

* Gallica le site de la BNF présente une version en Pdf de la traduction de madame Voïart avec la préface de Charles Nodier....à consulter http://gallica.bnf.fr/Catalogue/noticesInd/FRBNF37303525.htm

Type : texte imprimé, monographie
Auteur(s) :  Wyss, Johann Rudolf (1782-1830). Auteur du texte
Titre(s) :  Le Robinson suisse [Document électronique] / Wyss ; trad. de l'allemand [par Elise Voïart] ; précédé d'une introd. par charles Nodier
Type de ressource électronique :  Données textuelles
Publication :  1995
Description matérielle :  454 p.
Note(s) : Reproduction :  Num. BNF de l'éd. de, Paris : Garnier, 1874
Autre(s) auteur(s) :  Voïart, Élise. Traducteur et Nodier, Charles. Préfacier
Notice n° : FRBNF37303525 

C’est Isabelle de Montolieu, - elle-même fille de pasteur suisse - qui, dans sa traduction de 1813, a introduit le « rousseauisme » en donnant de même coup à l’ouvrage de Wyss une filiation avec la pensée philosophique du siècle.
Les aventures sont prétexte à une « leçon de choses » à des leçons d'histoire naturelle et de sciences physiques. Le Robinson Suisse ressemble par là autres livres éducatifs destinés aux enfants : « promenades rurales » de Charlotte Smith: dans les dialogues destinés à l'utilisation des jeunes (1795), de Rambles : « Une suite des promenades rurales » (1796) « une histoire naturelle des oiseaux » (1807).
De fait, le livre de Wyss appartient à un genre littéraire trés en vogue à l’époque à destination des enfants, dont une amie de Madame de Montolieu, Stéphanie-Félicité de Genlis, fut avec Les « Veillées du Château ou contes du château Ou, histoires de l'instruction et plaisir » (1785). une des chefs de file.
Cependant J.R. Wyss se différencie de ces derniers parce que son livre imprégné du milieu piétiste allemand, est long, lourd et dense et qu’ il se veut basé sur le modèle de robinson anglais, le Robinson Crusoe de Defoe, lui inspiré par une histoire véridique.
L’histoire de la famille suisse du Robinson suisse n’est qu’une des nombreuses histoires coulées dans le moule de la littérature de survie initiée au siècle précédent par Defoe.
Écrit du point de vue du père, il s’agit quasiment de « chroniques » de la vie quotidienne de sa famille après un naufrage sur une île quelque part près de la Nouvelle-Guinée.

La famille d’origine suisse se compose d'un pasteur véritable encyclopédie incarnée des pratiques agricoles et artisanales du monde entier ; de son épouse, Elisabeth excelle dans des qualifications culinaires, et de ses quatre fils aussi vaillants qu’énergiques et dociles.
Leurs connaissances, leur vaillance, leur courage et leur curiosité alliés à leurs qualités humaines et soutenus par la « Providence » qui les guidera du début de leur enfer (le naufrage) à leur rédemption (la venue d’un bateau anglais). Dans ce processus, ils créent leur propre civilisation à l’européenne, montrant une maîtrise totale sur les animaux et les artisanats, comme sur l’édification de différents lieux de vie adaptés à leur situation propre.

Il n’est pas étonnant que la majeure partie du roman soit basée sur leur lutte pour la survie avec une perpétuelle quête de nouveauté tant en matière de faune que de flore, et en continuelle recherche d’exploitation des ressources par ailleurs innombrables de cette île de rêve ».

Du fait que l'auteur original était un pasteur suisse, personne n’est étonné de trouver le récit « imbibé » d’influences chrétiennes par des références explicites. La Providence et Dieu sont des personnages essentiels de l’ouvrage; La Prière et la louange de Dieu, le respect du repos dominical, aussi bien que l'encouragement à la morale chrétienne, sont des activités aussi normales que fondamentales. L'exercice et la promotion de la vertu chrétienne est un thème clair, évident particulièrement dans une des scènes finales dans laquelle le père exhorte ses fils à la fidélité chrétienne. "dans une longue conversation avec mes fils je les ai solennellement initiés à leurs futures responsabilités d’homme, de leur devoir envers Dieu, envers les hommes, leurs prochains, et eux-mêmes, en leur précisant les tentations auxquelles leurs différents caractères étaient susceptibles de les exposer, et en leur recommandant instamment et affectueusement de persévérer dans la foi dans laquelle ils avaient été élevés."
Wyss tire une morale pour ses lecteurs: les "enfants sont, dans l'ensemble, les mêmes partout, et vous quatre jeunes hommes, vous les représentez tous dans le progrès et l’épanouissement Je serais heureux à la pensée que mon simple récit aura pu amener quelques-uns à faire le bien, comme il aura montré tout le bien que peut donner la connaissance des choses, et comme il est bon que des frères demeurent unis sous les yeux bienveillant de leurs parents"
Pour l’auteur, être une famille chrétienne saine et unie dans le travail est primordial: "et mon grand souhait est ces jeunes qui lisent le récit de nos vies et nos aventures, sachent combien la vie travailleuse et pieuse d'une famille gaie et unie, est agréable et de nature à donner à chacun caractère fort, pur et viril." L'île s'avère être une forme de paradis idyllique, où les animaux de tous les continents coexistent d’une manière aussi improbable qu’impossible (les kangourous australiens, les pingouins antarctiques, les lions et les éléphants africains, les loups nord-américains, et les ours sibériens, les boas constrictors sud-américains, sans oublier tapirs, toucans, flamants roses et autres autruches). Chaque jour donne l’occasion de trouver un nouvel animal, de découvrir une nouvelle richesse minérale ou agricole ou d’élaborer une nouvelle technique d’exploitation d’un produit. C’est quotidiennement que la famille de Wyss semble avoir acquérir une connaissance inépuisable sur la façon employer au mieux les ressources de l’île pour créer leur propre civilisation.
Ils sont assez peu préoccupés par la maladie. Ni les orages ni les ouragans ne semblent pas leurs causer de soucis. Ils n’ont aucune difficulté à apprivoiser les animaux. L’accommodation des trouvailles agricoles se fait dans l’inventivité la créativité culinaire : à leurs menus on trouve des truffes et de la soupe de tortue, du pâté en croûte de buffle, bref la nourriture est toujours bonne et la viande jamais brûlée ni trop cuite.
En fait leur succès devient lassant dans sa répétition: évidemment cette vision excessivement optimiste dans l'humanité et de la confiance dans les possibilités offertes par la connaissance scientifique est le résultat de leur Foi en Dieu.
Certes, le lecteur doit se défaire de son incrédulité et accepter ces utopies pour apprécier pleinement l’histoire: évidemment qu’il est plutôt difficile de croire qu'un pasteur suisse peut non seulement et dans l’instant sait identifier un « cerifera de Myrica » quand il en voit un, mais encore qu’il sait commodément que ses baies peuvent être fondues et filtrées pour faire des bougies !, ou qu'il se rappelle les détails complexes des pratiques agricoles italiennes, indiennes et sud-américaines.Il peut parfois être difficile de croire à leur capacité de produire de la porcelaine, du savon, et même des bottes en caoutchouc.

Mais la fin du récit est si agréable… C'est si beau que la famille ait en fin de compte décidé de ne pas quitter leur "nouvelle Suisse". C’est pour ces raisons que nombreux furent les visiteurs de l’île, que nombreux sont ceux qui y sont revenus souvent et qui y reviennent toujours et encore…car même si beaucoup d’idées de ce livre datent, le livre triomphe de l’épreuve du temps, et le temps passée avec la famille du Robinson suisse continuera à être délicieux.